jeudi 21 octobre 2010

Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley

Le meilleur des mondes



Coup de coeur !


Éditions : Pocket
Année : 2002
Pages : 284
Catégorie : Romans de science-fiction
Âge : Dès 14 ans
Temps de lecture : Trois jours
Résumé : Défi, réquisitoire, utopie, ce livre mondialement célèbre, chef-d'œuvre de la littérature d'anticipation a fait d'Aldous Huxley l'un des témoins les plus lucides de notre temps. "Aujourd'hui, devait écrire l'auteur près de vingt ans après la parution de son livre, il semble pratiquement possible que cette horreur s'abatte sur nous dans le délai d'un siècle. Du moins, si nous nous abstenons d'ici là de nous faire sauter en miettes... Nous n'avons le choix qu'entre deux solutions : ou bien un certain nombre de totalitarismes nationaux, militarisés, ayant comme racine la terreur de la bombe atomique, et comme conséquence la destruction de la civilisation (ou, si la guerre est limitée, la perpétuation du militarisme) ; ou bien un seul totalitarisme supranational, suscité par le chaos social résultant du progrès technologique."  

Source : livre.fnac.com

Mon avis ( mai 2010 ) : Quel indescriptible roman d’anticipation et de science-fiction ! Ce livre est une épopée intenable au sein d’un futur qui pourrait être le nôtre, un monde dans lequel nous n’aurions ni identité, ni foi en la vie. Ce n’est pas simplement un livre qui nous relate une existence possible dans l’avenir, mais c’est également un avertissement à quiconque s’alarme devant cette réalité utopique où la protection, la santé et le bonheur prônent d’une manière malsaine, implicitement défavorable, car ces humains ne se rendent pas compte de leur situation. Cette société à tous les atouts pour séduire les moutons qui peuplent parmi les citoyens : bonheur sempiternel avec le soma ( une drogue bien masquée, je dirais ) ; aucun problème de santé ; indifférence à la douleur, la souffrance et la tristesse parce qu’ils n’ont jamais connu ces sentiments pourtant précieux ; modernité offrant toute la gamme de la consommation ; toutes ces attrayantes choses qui habillent ce monde a été le déclenchement de cette existence puisque les citoyens étaient comme nous avant. Mais ils se sont noyés dans une dépendance matérialisme, une peur des émotions néfastes et une félicité robotique, géniteurs de cette société que nous dépeint la plume d’Aldous Huxley. Dès l’instant où nous ouvrons les portes de cette communauté, l’incrédulité et l’antipathie nous assaillent soudainement. En quelques chapitres, le tableau prend une nouvelle dimension et c’est avec inimitié que l’on comprend la logique du système. Il n’y a plus de vie, comme si une virtualité réelle avait pris les humains d’assaut ; comme si on avait échangé leur âme pour une structure robotique. Des bébés naissant dans des bocaux au libertinage des enfants, de l’hypnose nocturne au drogue du bonheur, du conditionnement mental au joug du matérialisme, tout m’a horrifiée. L’histoire est ma foie très triste, car cette mentalité reste dominante, ce qui n’est pas étonnant après un dressage aussi prolongé. Nous y rencontrons en premier lieu Bernard, homme dont je mettais tous mes espoirs, puis Lenina, qui vont faire rencontre, dans la Réserve des Sauvages ( humains vivant hors de la fausse réalité ), avec un jeune sauvage, lequel sera le seul témoin de cette abomination. Il essaiera de réveiller ces esprits et de lever le voile sur ces yeux ternes, mais la facilité n’est guère présente lorsqu’on doit rallumer des humains endormis dans une lente léthargie psychologique…

Je croyais, au début, que je pouvais mettre mes espoirs sur Bernard, jeune homme Alpha différencié de ses pairs par ses habitudes divergentes. Or, moi qui pensait que cette différence allait être sa porte de sortie hors de cette léthargique réalité, je me suis fourvoyée complètement puisque cette porte s’est refermée assez rapidement afin qu’il plonge de nouveau dans ce long sommeil éveillé. Et pourtant, il commençait tout juste à ouvrir les yeux, à se questionner sur le sens véridique de cette vie terne et les notions inculquées lors de leurs nuits ( il est un spécialiste de l’hypnose ). Ses compères le traitaient avec une haine implicite, son emploi glissait rapidement de ses mains, bref, j’espérais qu’il deviendrait un futur rebelle. Cependant, son attitude changea lorsqu’il revint de son aventure avec Lenina dans la Réserve des Sauvages, accompagnés de l’un d’eux. À vrai dire, ce qui aurait pu être son illumination devint sa noirceur qui le fit retomber au sein du troupeau. J’ai plutôt apprécié spécifiquement le jeune sauvage catholique et à la philosophie très détaillée ( il connaît toutes les pièces de Shakespeare ), pour qui le sens de la vie n’a pas la même saveur que les «  robots » du monde derrière sa réserve. Étant né d’une mère venant de cet univers et qui s’est retrouvée perdue dans la Réserve avec un rond bien arrondi ( une honte pour eux ), sa curiosité était immense à l’égard de cet autre réalité. Toutefois, lorsqu’il prit pied dans leur société, ce fut pour lui une dépression morale. Cette morosité douce et joyeuse pour les humains et cette vie exempte de toutes émotions négatives le dégoûtaient. Quelques temps après son entrée, il fit sa première rébellion, clamant ses idées pour réveiller ses somnambules dont ses paroles ne leur firent aucun effet. Qui écouterait un insoumis, un maquisard ? Tout comme lui, je fus désespérée par leur silence et je fus attristée de le voir s’enfuir loin de cette civilisation qui ne cessait pas de le poursuivre, même lors de son recueillement. La seule chose qui me décevait chez-lui était sa pratique religieuse extrême de laquelle il se flageolait pour souffrir en l’honneur de Dieu et pour oublier une femme de ce monde. Une triste façon de ternir la liberté qu’il arborait, mais ce fut tout de même son choix. Quant aux humains, n’en parlons pas ! Ces prototypes humains ont été blanchis par des paroles constantes qui déclamaient des concepts dont nous nous approchons rapidement et leur âme a été digérée par leur esprit ensommeillé. Impossible de les réveiller ou de leur ouvrir les yeux, car ils se meuvent dans un bonheur utopique qui sera leur prison sempiternelle. Et cette Lenina, compagne de quelques soirs de Bernard, est l’un de ces robots, une femme noyée par les charmes de cette nouvelle société. Comme tous les autres, elle ne se réveillera peut-être jamais…

En somme, ce roman est une futurologie délicieuse et surtout, un récit sur la moralité de notre peuple par lequel l’auteur nous annonce que nous sommes plus moutons qu’humains. Il y a également cette pensée sur les émotions qui orne l’histoire : les sentiments de tristesse et de souffrance sont précieux, car ils nous font évoluer vers le vrai épanouissement. De même, pour les chevronnés en la matière, cette histoire regorge de symboles hétéroclites dont les significations peuvent être assez ténébreuses. C’est une admonestation qu’il vaut mieux lire pour comprendre ce dans quoi la société s’embarque. Personnellement, si un jour le monde venait à se transformer en cette calme virtualité, je ferais comme le Sauvage, car jamais je ne me robotiserais pour assouvir les idées de pouvoirs des hauts-placés. Quant à la plume de l’auteur, elle ne m’a pas autant accrochée que l’histoire puisque, aimant les écritures délicates et sensibles de poésie, je la trouvais légèrement scientifique à l’occasion, bien qu’elle soit tout de même assez captivante. Ainsi, je ne peux qu’après une aussi trépidante lecture, vous clamer les honneurs de ce livre ! Vous devez le lire ! Ce roman, doué de paroles saisissantes, pourra sûrement réveiller encore quelques moutons parmi le troupeau en espérant que ceux-ci ne se détournent pas devant la vérité. Un chef d’œuvre de science-fiction, je vous le dis !

Extrait préféré du roman : « - Mon cher jeune ami, dit Mustapha Menier, la civilisation n'a pas le moindre besoin de noblesse ou d'héroïsme. Ces choses-là sont des symptômes d'incapacité politique. Dans une société convenablement organisée comme la nôtre, personne n'a l'occasion d'être noble ou héroïque. Il faut que les conditions deviennent foncièrement instables avant qu'une telle occasion puisse se présenter. Là où il y a des guerres, là où il y a des serments de fidélité multiples et divisés, là où il y a des tentations auxquelles on doit résister, des objets d'amour pour lesquels il faut combattre ou qu'il faut défendre, là, manifestement, la noblesse et l'héroïsme ont un sens. Mais il n'y a pas de guerres, de nos jours. On prend le plus grand soin de vous empêcher d'aimer exagérément qui que ce soit. Il n'y a rien qui ressemble à un serment de fidélité multiple ; vous êtes conditionné de telle sorte que vous ne pouvez vous empêcher de faire ce que vous avez à faire. Et ce que vous avez à faire est, dans l'ensemble, si agréable, on laisse leur libre jeu à un si grand nombre de vos impulsions naturelles, qu'il n'y a véritablement pas de tentations auxquelles il faille résister. Et si jamais, par quelque malchance, il se produisait d'une façon ou d'une autre quelque chose de désagréable, eh bien, il y a toujours le soma qui vous permet de prendre un congé, de vous évader de la réalité. Et il y a toujours le soma pour calmer votre colère, our vous réconcilier avec vos ennemis, pour vous rendre patient et vous aider à supporter les ennuis. Autrefois, on ne pouvait accomplir ces choses-là qu'en faisant un gros effort et après des années d'entraînement moral pénible. À présent, on avale deux ou trois comprimés d'un demi-gramme, et voilà. Tout le même peut être vertueux, à présent. On peut porter sur soi, en flacon, au moins la moitié de sa moralité. Le christianisme sans larmes, voilà ce qu'est le soma. » p. 262-263.

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