lundi 11 octobre 2010

Mi amor


Mi amor,

Les jours deviennent des années, les années des siècles. Je me languis de toi à un tel point que j'en fond. Je ne peux me résoudre à accepter ton départ, si lointain il est. Les larmes ne cessent de couler sur mes joues dès que je pense à ton sourire enjoliveur et à ta gentillesse profonde qui me fait encore chavirer dans tes bras... maintenant invisibles. À chaque nuit, c'est le même refrain morbide. Les pensées les plus horribles m'assaillis et deviennent si constantes que mes sanglots sont mes seuls loisirs.

Malgré les moments durs que je vis, je t'en pris mon amour, n'ai pas de pitié pour moi. Mes tourments ne sont que de piètres désagréments au contraire de ce que tu vis à chaque jour. La guerre... je l'entends partout. Les femmes du village ne cessent de parler d'elle et d'en discuter jusqu'à tard le soir, à mon grand damne. Je ne peux m'imaginer les horreurs que tu subis en ce moment. Il me répugne de penser que tu es peut-être blessé ou abandonné sur le champ de bataille sous une pluie torrentielle qui ne s'arrête pas. Ce que j'espère c'est de te savoir encore en vie, ton âme bien ancré dans ton corps. Cependant, il y a des fois où je préfère penser que tu es mort, parce que la souffrance que tu ressens peut-être en ce moment est souvent pire que la mort elle-même... Ne m'en veut pas, mon amour, j'aimerais autant que tu vis pour que tu reviens à la maison, notre chez-soi, celui qui a vu naître notre amour impossible.

Oh ! Mon amour ! Je ne peux te cacher plus longtemps la bonne nouvelle qui a fait briller une petite lueur d'espoir dans mes yeux. Je suis sûre qu'elle t'apportera un peu de bonheur dans tes souffrances continuelles et qui, tout comme moi, te redonnera espoir. Je ne vais pas te faire languir plus longtemps, mon amour. Depuis

Anna jeta un regard embué vers le dernier mot visible de la phrase. Le reste de la lettre avait été sauvagement brûlée, sans aucun respect pour ces mots imprégnés d'un amour absolu. Tandis qu'une larme coulait sur sa joue rose, Anna reposa soigneusement la lettre au fond de l'authentique malle, le seul élément qui donnait une certaine vie au grenier. Puis, à contre-coeur, elle referma délicatement le coffre de sa mère sur ses souvenirs. Avec un soupir, la jeune dame retomba sur ses genoux étalés sous elle. Un poids pesait maintenant sur son coeur.

" Pauvre mère... Il n'a jamais lu ces lettres, il n'ai jamais revenu de la guerre, il ne m'a jamais connu... "

D'un geste lent rempli d'une certaine mélancolie, elle tourna le dos aux souvenirs intemporels de sa défunte mère.



Fanny Mathieu
Octobre 2008

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